Samedi 26 avril, il fait encore jour. Emu, épuisé mais heureux, je passe la ligne après 12h49mn d'efforts. J'entre dans la confrérie des "Cent-bornards". Gégé, mon ange gardien de cette journée, me rejoint. Merci Gégé, pour ce que tu as fait et surtout pour ce que tu es...
Pourquoi un cent kilomètres?
Je me suis mis à la course à pied en novembre 2010 (mémorable sortie de 20mns avec courbatures pendant quatre jours...). Un an après j'ai fait un marathon puis un autre et un autre, cinq en tout. L'idée d'un cent a germé progressivement au gré des discussions avec les camarades du club de Gigouzac spécialistes de l'ultra et des récits sur le net. J'ai fait les 50kms de Belvès l'an dernier qui ont achevé de me convaincre de me lancer.
Je suis conscient qu'il y a quelque chose d'irrationnel (pour ne pas dire pathologique) dans cette volonté d'aller toujours plus loin dans la recherche de ses limites, dans ce désir de se lancer de nouveaux défis (mais cela coute moins cher qu'une psychothérapie). Et comme disait Jacques Chirac à l'époque de sa splendeur: "se dépasser, la seule course qui ne finit jamais". J'ai toujours eu en vélo ce goût pour les longues distances, cela correspond davantage à mes capacités, il n'y avait pas de raison que le virus ne me pique pas en course à pied.
Comment je me suis préparé?
Après le marathon de Toulouse fin octobre, j'ai coupé un mois sans course à pied puis j'ai recommencé l'entraînement. 3 à 4 séances par semaines pour 1000kms au compteur avant Belvès. Pas mal de sorties longues à allure 100kms et deux 10 kms, un 20 kms et le marathon de Montauban 3 semaines avant couru à allure 100kms. Sur le plan logistique, j'ai eu la chance d'être accompagné par Gégé comme suiveur. Sa bonne humeur, son empathie, sa gentillesse et son sens du partage en faisaient le profil idéal pour le poste. La semaine précédant la course, je prépare les différents sacs que prendra Gégé sur son vélo (alimentation, boisson, habits de rechange), ce qui fait dire à ma fille que "je fais un peu ma princesse" à être assisté comme cela.
Stratégie de course:
Le 100kms est une course à part donc je m'efforce de définir une stratégie adaptée: on court sur le plat et en descente, on marche dès que cela monte trop et on en profite pour boire et manger. On s'arrête aux 24 ravitos, on s'y sert et on mange en marchant pendant une minute en repartant de manière à toujours avancer.
L'autre question est celle de la vitesse courue. J'applique la règle des 20% que m'ont indiquée mes camarades de club: il faut que j'arrive à la moitié du parcours avec un temps supérieur de 20% à ma vitesse habituelle. J'avais fait le 50 kms l'an dernier en 4h57, il me faudra donc être à Sarlat en 6heures environ ce qui fait une vitesse courue de 6mn30s par kms. Pour la suite, je prévois 7h pour le retour. J'intègre que je vais courir moins vite et que les deux derniers kms sont en (dure) montée pour rejoindre Belvès. Ces 13heures de course sont un peu artificielles car je suis dans l'inconnu, c'est cependant cohérent avec les temps que réalisent des camarades de club qui ont sensiblement le même niveau que moi. Puis 13heures, cela ferait une arrivée avant la nuit et éviter de finir à la frontale. Je me répète cependant que l'essentiel est de finir, ce qu'il faut éviter à tout prix c'est de partir trop vite et d'exploser comme un popcorn...
Le grand départ...
Le réveil est réglé à 5heures du matin, mais mon horloge biologique me réveille à 4heures !!! Gégé passe me chercher à 5h45 et voguons vers Belvès. Nous arrivons là-bas et faisons les préparatifs.
Après les clichés d'usage pour immortaliser l' événement, Gégé rejoint le cortège des vélos suiveurs qui partent rejoindre Siorac où nous les rejoindrons au bout de 9 kms de course. Je me positionne sur la grille de départ nous sommes près de 500 inscrits sur le 100kms et 280 sur le 50kms, les deux courses démarrent ensemble.
Belvès-Sarlat
Le parcours débute par un tour dans Belvès de 2 kms puis c'est la fameuse descente de 1.8 kms (5% de moyenne environ). Je dis fameuse car nous devrons la grimper ce soir pour les deux derniers kms. Le peloton s'étire jusqu'à Siorac. Je multiplie les pauses pipi (9 dans les 50 premiers kms + 3 dans les 50 derniers !!!), une véritable machine, j'y vois malgré tout un bon signe, je m'hydrate convenablement et l'organisme fonctionne bien...
A Siorac, je récupère mon Gégé, frigorifié et nous continuons la balade cette fois en duo. Ma vitesse est conforme aux prévisions. Nous passons Mouzens, Saint-Cyprien, Bézenac, Saint-Vincent de Cosse. Le paysage est magnifique, Gégé mitraille avec son appareil photo les châteaux et les belles demeures qui prolifèrent sur le parcours.
On papaute, Gégé me ravitaille régulièrement en boisson, il tient le secrétariat téléphonique, gère les appels de Chris et des enfants, des copains espérois, de Gigi la présidente du club de Gigouzac. Chaque appel me donne davantage la pêche et de motivation pour aller au bout... On s'arrête aux ravitos, je mange régulièrement et Gégé... abondamment. Il distille sa bonne humeur aux nombreux et chaleureux bénévoles qui font de cette course une course à part.
Suit un passage moins agréable sur la grande route, nous sommes doublés malgré tout par le camion de la campagne européenne de Jean-Luc Mélenchon, cette vision de l'idole du peuple me rappelle que cela sera bientôt, dans les kms qui viendront, le temps de la lutte finale...
Ceci étant, il n'y a pas que des prolétaires sur cette route:
On arrive ensuite à Beynac puis La Roque Gageac, c'est un régal pour les yeux !!!
A partir de là, je dis à Gégé que les 31 premiers kms d'échauffement sont terminés. On rentre dans le dur, montées et descentes vont se succéder pendant 10kms. Ma stratégie marche/course fonctionne bien. On passe à Vitrac puis au Cingle de Montfort. La pluie qui nous avait épargnés s'invite pendant une bonne heure...
Au km 41, on arrive sur la piste cyclable en long faux plat montant au milieu des bois. Nous courons un moment avec le plus jeune participant de l'épreuve, Nicolas Constant, un cadurcien (fils d'un célèbre coureur à pied lotois). Nous passons ensemble au marathon en 4h52, pile dans la fourchette prévue.
Cela monte encore à la sortie de la piste et nous arrivons à Sarlat plaine des jeux. Les coureurs du 50 kms en ont fini, nous nous passons à droite. Je salue un couple de camarades du club de Gigouzac venus nous supporter. Je prends quelques minutes pour me changer. Je re-crème mes pieds et découvre trois jolies ampoules. Cela inquiète mon ange gardien mais je le rassure, elles ne me gênent pas.
Au bout de 5h57 de course, je repars. On est dans les temps prévus. Pour l'instant tout va bien...
Sarlat-Belvès
Pendant que Gégé discute avec son neveu concurrent du 50kms, je repars. La pluie qui avait arrêté depuis près de deux heures repart de plus belle, elle nous accompagnera jusqu'à 17h... Cette sortie de Sarlat est un des passages les plus grimpants du parcours, cela dure jusqu'à Vitrac. La pluie se fait plus dense, mais elle gêne davantage le suiveur que le coureur. Nous repassons à La Roque Gageac, cela fait déjà 62 kms de course.
Je cours moins vite que dans la première partie comme prévu mais je cours toujours. L'estomac fonctionne et les jambes sont toujours là. Nous arrivons à Castelnaud, il y a une boucle vers Pont de Causse psychologiquement difficile puisque nous voyons pendant quelques centaines de mètres les concurrents en avance (puis en retard, dans ce sens c'est beaucoup plus agréable) sur la route au-dessus.
Km 75, cela fait 9h 15 que je cours, les 13h sont faisables. On continue et c'est la terrible côte des Milandes (du château du même nom).
A l'approche du km 80, j'ai un coup de moins bien, je cours toujours mais à faible allure et mon estomac tiraille. Il faut dire que le mélange boisson de l'effort, eau gazeuse, coca, sandwich au pâté, fruits, pain d'épice, Tuc n'est pas des plus digeste. Je commence à m'inquiéter pour ce qui est de ces treize heures que je me suis mis dans la tête on se demande pourquoi. Gégé le sent et m'inonde d'anecdotes croustillantes (il faut savoir que le Gégé connaît tous les restos que l'on croise sur le parcours).
J'arrive au ravito d'Allas les mines, je me laisse tenter par des chips et miracle cela passe super bien. Mon corps réclame du salé. Je décide donc de sortir l'artillerie lourde que j'avais dans mon sac ravito personnel: la saucisse sèche. Je m'en enfile 5 ou 6 morceaux, j'invoque le philosophe Roger Lemerre ("ce que cerveau veut, le corps exécute), et j'accélère...
Je sais que pour être sûr, il me faut arriver à 12h30 de course au pied de la côte pour pouvoir la monter tranquillement en marchant. Je tiens un rythme relativement soutenu (entre 8 et 9 km/h). Gégé est partagé, il a peur que j'en fasse trop et que je m'affale comme une crêpe. En parlant de crêpes, Gégé ne manque pas de faire honneur à celle du ravito de St Cyprien, km 85, il fera de même avec les "Merveilles" du suivant.
Moi je maintiens l'effort. Je suis au km 90 en 11h31, j'ai 59mn pour faire les 8 kms qui me mènent au pied de l'ascension finale, cela fait du 7mn 30s par km, faisable mais il ne faut pas faiblir.
Il ya de longs faux plats jusqu'à Siorac où on repasse la Dordogne. Enfin le km 98, pile à 12h30 de course.
Je peux profiter de la dernière montée faite à marche dynamique.
Un peu avant le sommet, je me remets à courir et passe la ligne en 12h49. Je suis classé à la 235ème position (Sur 375 classés), il ya eu pas mal d'abandons (une centaine), Les conditions météos ont fait des dégâts ...
L'après-course
La course est terminée, je m'assois pour récupérer. Mon ventre qui a tenu 100kms se venge, j'ai quelques maux de ventre, celui-ci ne supportera pas les virages du retour entre Frayssinet et Rostassac (un prêté pour un rendu). Gégé boit sa soupe, moi c'est mission impossible. Puis, c'est le retour à la maison pour un repos bien mérité...
Voilà un bien long CR, mais c'est vrai qu'il s'en passe des choses en 100kms...