L'ascension du Mont Ventoux était l'objectif principal du club cette année, et chacun de nous s'était préparé consciencieusement
pour relever ce défi hors du commun.
Ce samedi matin nous roulions donc tranquillement vers Malaucène où le rendez-vous était fixé à l'hôtel Blueberry à midi. C'est
à la sortie de Nîmes que nous l'avons aperçu: de loin déjà le Géant de Provence nous défiait de sa masse imposante avec son sommet tout blanc;
et dire qu'on va grimper tout là-haut ! Et plus on s'en approche, plus il est impressionnant, mais on n'a pas peur, on va
être nombreux...
et ensemble on est plus fort.
Le temps est beau, l'air est léger, et on est loin de se douter du drame qui s'est produit la veille. A
notre arrivée on apprend la terrible nouvelle. Incrédules d'abord, puis ahuris, accablés, on se regroupe, on se serre, on pleure et on se parle, longtemps, très longtemps on est incapable de
décider quoi que ce soit, assommés, sous le choc. On voudrait être avec eux, les serrer dans nos bras, les réconforter, mais on est loin. Et puisque nos amis l'ont souhaité ainsi, et que
notre groupe est soudé et solidaire, eh bien Le Ventoux, on va le monter, tous...
et ensemble on est plus fort.
Plus d'hésitation, on mange rapidement et on se prépare, photo de groupe et c'est parti, chacun son objectif:
Michèle et nos deux Claude vont parcourir les contreforts du Ventoux avec une côte particulièrement indigeste;
Armelle, Sylviane et Christelle ne font pas dans le détail: pour elles c'est l'attaque immédiate du Géant, maintenant, tout de
suite, avec les grosses pentes dès la sortie du village! Chez nous les filles elles sont comme ça, elles n'ont pas peur !
Quant à nous les treize garçons, on est plus délicats, on n'entre pas dans le bain d'un seul coup, il nous faut un peu
d'échauffement; Le Ventoux, on le contourne, on le jauge, on se méfie. Les premières côtes sont passées bon train et nous voilà déjà à Bédoin.
A gauche toutes! on sort du village par une série de faux-plats ( vraiment faux! ). Devant, les costauds sont déjà en
train de s'expliquer, le groupe s'étire, avec Laurent on ferme la marche.
Puis la pente s'accentue peu à peu et nous voici au fameux virage St Estève, c'est là que ça démarre vraiment, que le
décompte commence: 15 kms à 9,2 % ! Là tu dois être prêt physiquement mais surtout mentalement. Tu dois gérer en permanence des tas de petits trucs d'habitude anodins, tel que boire
régulièrement, changer de position, choisir la portions les plus roulantes, réguler ton souffle, ton rythme, éviter de prêter trop d'attention aux kilomètres qui défilent très, très
lentement. Il y a beaucoup de monde sur cette montée mythique, motos, voitures, autres cyclos, et de ce fait on ne s'ennuie jamais.
Au détour d'un virage, un photographe tout de vert vêtu: c'est Alain! notre accompagnateur hyper dévoué. Il a
troqué le vélo contre la voiture, plus qu'un photographe, plus qu'une assistance, c'est un soutien psychologique indispensable : puisque Alain est là, on est tranquille, on est rassuré...
et ensemble on est plus fort.
Lorsque j'arrive au Chalet Reynard, je ne suis pas surpris, je l'attendais depuis un bout de temps car je
savais qu'un léger replat me permettrait de décompresser un peu, de boire et d'apaiser mon souffle. Alain qui décidément était partout à la fois me dit: "tu en as deux à 3-4 minutes devant".
En effet j'aperçois deux tuniques vertes juste au virage au-dessus, mais peu importe mon but est d'arriver en haut, sans trop de retard quand même!
Une pensée pour Patrice, instigateur de cette sortie et qui n'a pu être présent pour les raisons que l'on
sait - c'est ici qu'il s'était ressourcé lors de l'Etape du Tour 2009 par une journée caniculaire - Pour moi , surtout ne pas répondre à l'appel des sirènes ( ici on les appelle "les binouzes");
je continue donc et je comprend vite la fournaise que ce doit être quand il fait 35° à l'ombre - je ne sais pas pourquoi d'ailleurs on dit "à l'ombre" car ici il n'y en a pas du tout -
6 kms et tout là-haut la tour blanche et jusque là, la pente et la caillasse, ça aussi: un tas de cailloux posé là comme ça, c'est un mystère géologique!
Aujourd'hui il ne fait pas chaud, plutôt frisquet même, mais plus on approche du sommet plus le vent vient
contrarier notre progression. Quand on arrive au bien nommé Col des Tempêtes à 500 m du sommet, les rafales sont si violentes qu'on est presque à l'arrêt ! On en profite donc pour bénéficier d'un
panorama d'une beauté à couper le souffle ( déjà bien court !). Un début de crampe me gêne un instant, ce serait ballot de poser le pied pour la première fois si près du but ! Allez un dernier
virage bien raide , pris à la corde, et ça y est, c'est l'arrivée! Sous les applaudissements des copains ! J'ai gravi Le Ventoux !
Peu après les filles sont arrivées par la face opposée, bravo et chapeau !
Au repas du soir on a pu se rendre compte qu'un groupe ne fonctionne pas comme une simple addition
d'individus: ainsi ont alterné des moments de tristesse et des périodes plus joyeuses. Oui, unis par une même passion, quand on est nombreux ....
ensemble on est plus fort
.
Mais une fois dans nos chambres, malgré la fatigue, le sommeil n'est pas venu et nos pensées sont allées vers nos amis pendant
longtemps...
Le lendemain la troupe s'est éparpillée pour attaquer, tel un essaim, le Ventoux par tous ses côtés: Claude P, Claude S, et
Michèle par Bédoin , les filles par le Col des Abeilles et Sault - Grand moment de solitude pour Armelle qui se serait éclatée...si son pneu ne l'avait fait à sa place ! Alain, heureusement, a pu
se porter à son secours; et je crois qu'il a fait plus de 200 kms pour naviguer d'un groupe à l'autre ! Encore bravo et merci Alain - les mecs, par Sault également, après avoir franchi
le Col des Abeilles et les magnifiques Gorges de la Nesque.
Le groupe sans exception a grimpé Le Mont Ventoux, chacun à son niveau, chacun à sa façon,
mais tous unis serrés les uns contre les autres, face aux difficultés...
Ensemble on est plus
fort.