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La lanterne rouge illumine le Puy de Dome

Publié le par Patrice

En ce dernier jour de mai, c’est le Tour du Sancy - Puy de Dôme qui était au programme. Parti un peu avant 6 heures, le team Espère Cyclosport était au complet (Mathieu et moi). Notre ami Gégé du Tarn et Garonne, la mort dans l’âme, avait dû renoncer pour des ennuis de santé. Après 2 h 45 de route nous arrivons à Clermont-Ferrand, on aperçoit le mythe, le Puy de Dôme (« Putain, ça a l’air plus dur que la Cévennes ! ». Sur le parking, des voitures des quatre coins de la France sont garées. Il y a même des étrangers, j’aperçois des espagnols, à côté de nous des hollandais (comme disait Thierry Roland, ce philosophe méconnu : « Le Batave est puissant »). Le retrait des dossards s’effectuent au stade de Clermont foot. Les numéros de dossards sont classés par club, j’ai le 320, Mathieu le 321. Je fais remarquer à mon compagnon d’infortune que c’est moi le leader et je le laisse vagabonder avec l’ami Pepe que nous avions déjà croisé à l’Octogonale. Pendant ce temps, les concurrents du grand parcours sont partis : 163 km, ceux-là c’est des vrais !

Nous sommes prêts, nous entrons dans le sas, le temps est menaçant mais ça a l’air de tenir. A la louche nous sommes 400 sur le 106 km cyclosportif, certains sont déjà partis dans la version randonneur (Ah les sirènes du Cyclotourisme…). Ca y est, c’est parti. Le départ est rapide mais sans excès. Les 20 premiers sont avalés rapidement, je suis toujours dans le peloton de tête, que se passe-t-il ? Aurai-je trouvé les produits miracles ? Serai-je en train d’atteindre mon pic de forme annuel? Rien de tout cela, la course est neutralisée jusqu’au km 20…

La voiture ouvreuse s’efface, ça y est cela commence à partir en vrille. Nous montons pendant plus de 20 kms sur de pentes douces. Je reste à l’abri dans les roues, le conseil du docteur Yvon hante mon esprit : « Garder de la fraîcheur jusqu’au pied du monstre ». Fidèle à ma réputation, tous les concurrents que j’avais doublés dans le col me reprennent dans la descente suivante. Celle-ci nous mène au col de la Croix-Morand (10 km à 5 ou 6% ), je trouve un régional de l’étape fort sympathique, il me sert de guide touristique et me permet de mettre un nom sur ces paysages magnifiques. Le col du Guery est avalé dans la foulée. Deux heures trente de vélos, pour l’instant tout va bien…

Mais dans la descente, une invitée de marque arrive : la pluie. Tout d’un coup c’est le déluge, ça tombe dans tous les sens et ça durera jusqu’au bout. Je suis frigorifié, les muscles se contractent, mes qualités de descendeur s’expriment pleinement dans ces conditions dantesques. Je m’arrête mettre mon imperméable. Putain qu’est-ce que je fais là ? Je veux rentrer chez moi, je veux revoir Christine et les enfants ! Je commence à songer à l’abandon. Je tremble de froid, je ne suis plus étanche, je vois des renards partout (« c’est normal c’est la saison » , citation de Gérard Lanvin dans Marche à l’ombre). Maman, viens me chercher !!! J’envisage d’arrêter les cyclos, de me mettre au vélo santé dont Didier m’a si souvent vanté les mérites, pire encore de faire du vtt…

L’abandon est proche. Mais tout d’un coup, tel Boudu sauvé des eaux, une vision d’apocalypse fait basculer mon destin. Eh oui, le week-end prochain, c’est la sortie club dans les Cévennes, je me vois à table vendredi soir essuyant les quolibets de mes camarades. Francis, le sourire en coin, ouvre les hostilités : « Et Patrice, s’il pleut demain, au Vigan tu fais demi-tour !!! ». Eric L lui emboîte le pas, sarcastique : « Et cette année l’arrivée de l’Etape du Tour, c’est au pied d’Hautacam ? ». Didier se joint à la farandole : « Ca y est, toi aussi tu commences à escamoter les fins de parcours ? ». Jérôme s’y met aussi : « Tes récits sont palpitants mais sur un vélo, il faut du cœur ». Même Yvon tire sur l’ambulance : « Tu devrais penser à investir dans un vtt ». Mais le coup de grâce arrive, Sylviane m’assène : « Tu es plus fort pour écrire sur le blog que pour pédaler ».

Ses pensées décuplent mes forces, le col de Moreno arrive, ses 5 kms me permettent de me réchauffer. Arrivé au sommet on bascule, encore 5 kms et on tourne à gauche, je vois le panneau Puy de Dôme 6 kms. La pluie tombe toujours, certains concurrents abandonnent et rentrent vers Clermont, moi je me lance dans la bataille. Les deux premiers kms sont à 8 ou 9 %, je croise le défilé de ceux qui ont terminé et redescendent radieux. J’arrive au début de la route à péage, j’enlève mon imperméable, je veux monter sous pavillon espérois. Le panneau de la muerte arrive : il signale 4.1kms à 12 %. Je mets mon 34x29 (béni soit-il) et vogue la galère. Mon compteur oscille entre 6 et 7 km/heure. Cela ne va pas vite mais je suis très bien au niveau cardio. A ce rythme là, il faut près de 10 mn par km. Il y a des cyclos arrêtés partout sur le bord, ils s’étirent, marchent à côté de leur vélo. Mais la lanterne rouge continue, elle ne posera pas le pied à terre… Le tonnerre gronde, la brume devient plus intense mais le moral grandit à chaque hectomètre. Je pédale avec tout, les mollets, les cuisses, les épaules et surtout… les cojones. Après le duel Anquetil - Poulidor, c’est le duel Armengol contre lui-même. Pour la beauté du paysage, on repassera, on voit rien à 100 mètres. Mais la lanterne, imperturbable, méprisant les éléments naturels, continue l’ascension et tout à coup à 200 mètres la ligne d’arrivée se profile. Je bombe le torse pour montrer mon maillot et fièrement je passe la ligne.

Mathieu m’attend depuis une demi-heure. C’est une véritable machine de guerre (147ème) Pour ma part, je pointe à la 205ème position mais quelle satisfaction d’avoir dompté le fauve. En haut, le soleil se lève, on peut enfin profiter du panorama. Nous amorçons la redescente, 20 kms jusqu’à Clermont, dans la joie et la bonne humeur. Enfin des vêtements secs, nous avalons rapidement le modeste repas proposé (« on était pas venu là pour faire un gastro ») et prenons le chemin du retour.

Cette édition sera sans doute la dernière. La route sera vraisemblablement remplacée par un train touristique à partir de l’année prochaine, c’est triste pour les cyclos. La lanterne rouge a dompté le mythe et le mythe ne s’en remettra jamais…

4510 PuyDeDome

 

Publié dans Cyclosportives

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