Gégé Camillo raconte: La légende du Tourmalet

Publié le par Gégé

Personne pour le récit d'un si beau WE ? Bon, hébé, je m'y colle... D'ac' , mais comment faire un petit CR alors qu'il s'agit d'un géant ? Comment ne pas être répétitif quand tout a été dit et si bien dit par Patrice, avec une telle finesse qu'on se délecte à chaque fois ! J'aurais dit "quelle belle plume! " mais ce serait un non-sens puisqu'il écrit à la souris.....Et qu'ajouter après tous ces commentaires, plus éloquents les uns que les autres ?
Nous avions fait l'Ardéchoise - La Mecque du cyclo - Nous avons grimpé Le Ventoux - le Mythe du cycliste - Il nous manquait Le Tourmalet - La Légende du Tour - ( son nom signifie "mauvais détour" , mais on verra ça plus tard...)
C'est ainsi qu'après proposition d'Eric, adhésion commune et organisation parfaite réalisée com' d'hab' par Rura - chapeau ! et merci Sylviane - un gros contingent espérois débarque samedi midi, au centre de vacances fort accueillant "Clairevie" d'Argelès Gazost pour ce long WE de Pentecôte.

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Le Tourmalet ne s'attaque pas comme ça, c'est un géant, on le craint, on le respecte ; ce sera notre plat de résistance, on se le garde pour dimanche. Après le repas, les groupes se forment : initiation à la marche nordique sous la houlette de Catherine pour certaines, pendant que les cyclotes vont direct se frotter aux pentes abruptes du Soulor , avec Gilbert en.... chef de filles ;

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le reste de la troupe s'offrant en hors d'oeuvre les terribles lacets de Luz Ardiden. Un faux plat montant nous a-t'on dit ...A part les 200 premiers mètres il n'y a que "montant" de vrai dans cette description ! Au bout de quelques kms je regrette de n'avoir pas suivi Joël et Laurent qui ont poursuivi dans la vallée vers Gavarnie....Plus j'avale les lacets d'Ardiden , plus la pente gloutonne dévore mes forces! je serai moins hardi demain du côté de Barège! Tantôt en compagnie de Philou, Hulk, le Breton (copain de Ruru) puis Angel , je ne vais pas vite, alors je repense à l'américain qui est tombé dans un de ces virages,et qui, à peine relevé, est reparti...à 35 à l'heure! Bah, qu'importe, c'est nous les vrais cyclos !!

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Regroupement tout en haut, montagnes magnifiques, photos et retour prudent au bercail. Après le repas un petit tour en ville pour boire un verre offert par Albert, puis vite au dodo, conscients de ce qui nous attend le lendemain.

Le dimanche matin le réveil sonne de bonne heure, sitôt dehors les regards (inquiets?) se tournent vers ces superbes montagnes dont les sommets encore enneigés sont parfaitement dégagés ; pas une brume, pas un nuage : ça va chauffer ! Le groupe va à nouveau s'éclater - à tous les sens du terme ..) Sylviane E, Cécile J et Catherine partent pédibus à l'assaut des sentiers de la montagne du Lavedan, pour Lola et Cécile L c'est visite de la cité mariale toute proche, quant aux pédaleurs et pédaleuses ça démarre en douceur par la voie verte pour un programme costaud concocté par le Patron : Luz St Sauveur, Tourmalet, Ste Marie de Campan, Bagnères, Juncalas, Lourdes, Arbouix, et Hautacan en guise de dessert...! On verra quand on sera là, peut-être qu'on n'aura plus faim ...!
Tant bien que mal je parviens à garder le contact avec le groupe de tête dans l'étroit défilé qui mène à Luz, mais déjà cuisses et genoux me rappellent qu'ils ont beaucoup donné la veille....donc ce sera mollo dès les premières pentes. Nous voici à Luz St Sauveur, le pied du col : c'est parti pour affronter les 19 kms qui depuis 1910 ont façonné La Légende du Tour...A nous d'écrire la nôtre !

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Au-delà de la légende le Tourmalet est pour moi un instrument de mesure : la mesure du poids du temps qui passe...Ce col en effet ne m'est pas inconnu, je l'ai monté 2 fois : en 1995 avec mon fils qui à 17 ans m'a lâché dans le dernier km...avec un vtt ! La première fois c'était en 1980, sur un "demi-course" c'est à dire équipé de garde-boue, porte-bagages, lumière etc. 14kg minimum (en contrepartie j'en faisais 8 de moins !) et avec un 42/26 siouplaît !! 2h 05' je m'en souviens encore. A l'époque je n'étais pas gêné par les autres cyclos : j'étais tout seul sur ces pentes et arrivé en haut, des touristes venaient me féliciter, admiratifs; maintenant ils nous klaxonnent, vindicatifs....
Plus ou moins secrètement je me suis fixé pour objectif de faire aussi bien (comme pour gommer le poids des ans...) J'espère que les maths ne s'applique pas dans mon cas : âge double, temps double ! Ou du moins, savoir ce dont je suis capable 34 ans plus tard. Pour que la comparaison soit valable, je me devais d'emprunter la vieille route. Depuis la création de la nouvelle route (de 4 kms) sur le versant opposé, à partir de la station de Super Barège, la route historique du Tour (3 kms) qui passe par le Pont de Gaubie, baptisée "voie Laurent Fignon" est exclusivement réservée aux cyclistes.

C'est avec ces souvenirs et ces pensées que j'attaque ce col redoutable ; ça démarre dur sur 2 - 300 m dans une rue toute défoncée, en travaux, où l'on cherche constamment le bon endroit où placer sa roue. Au-dessus du village sur la gauche, j'ai soudain la vision du désastre qu'on subi tous les gens de cette vallée, il y a un an presque jour pour jour, lorsqu'un torrent furieux chargé de boues et de gros bloc de pierres a tout emporté sur son passage. Cette superbe vallée est défigurée à jamais, en quelques minutes plus de route, plus de ponts,plus de maison pour certains ! On en voit encore en équilibre instable à moitié au dessus du vide ....et c'est encore plus impressionnant à Barèges ! Des tronçons de routes entières ont été refaites ,c'est ainsi que l'on alterne les parties en enrobé tout neuf et les parties encore en chantier, mais on est heureux de pouvoir monter car on a longtemps craint de ne pouvoir passer. Devant moi, plus haut, mes copains me distancent inexorablement et peu à peu disparaissent au détour d'un virage. Mais mon petit rythme me convient et ce n'est pas encore trop dur.

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C'est tout en haut de Barèges que je rejoint Pascal.On échange quelques mots du style :"si on nous l'avait commandé on aurait refusé " Bref, l'heure n'est pas aux grands discours. Nous voici sur le replat menant à la station de Super-Barèges, Hulk me distance un peu pendant que je profite de ce moment de répit pour m'alimenter.J'arrive à la bifurcation avant le parking et je crie à Hulk "Je prends la vieille route !" J'ai su plus tard qu'il ne m'avait pas entendu, distrait sans doute par les deux jeunes filles qu'il dépassait et qui, vues de derrière, avaient l'air ma foi, fort sympathiques...
La route est propre et s'élève régulièrement jusqu'au Pont de Gaubie, en passant devant l'ancienne buvette, lieu de départ de nombreux sentiers de randonnée vers les lacs d'altitude, je suis doublé par un avion, sans un mot. Maintenant la route grimpe sérieusement et est encombrée de gravats de plus en plus nombreux qui me contraignent à zigzaguer constamment. moins de 5 mn plus tard le "pro" redescend, mauvais présage!! Il passe sans un regard ...sans rien me dire! D'où le dicton du jour : "les cons se reconnaissent à ça : s'ils le sont en montant, ça ne leur passent pas quand ils redescendent" C'est après un virage que je comprends...les pâturages sont descendus sur la route...et pas qu'un peu! avec cailloux, arbuste etc ( je n'y ai pas vu de vaches!) Il ne me reste qu'un km environ pour arriver à la jonction avec la nouvelle route, donc pas question de redescendre : il faut passer coûte que coûte! C'est donc vélo sur l'épaule, les pieds tantôt dans la fangue et la caillasse, tantôt en équilibre sur le petit muret, en évitant de regarder à gauche...que je franchi tant bien que mal 3 - 400 m d'éboulis pour ensuite alterner pédalage et marche. Ouf ! me voici enfin arrivé à la jonction où je tombe nez à nez avec Hulk qui me voyant déboucher de nulle part me lance un tonitruant :" Méquestufélàgégé !!! " " je t'ai cherché partout !! " Ben je crois que j'ai fait le "Mauvais Détour "!
Reste 4 ou 5 km - les plus durs - pourtant le col est là tout proche mais je me traîne...là-haut dans l'azur du ciel tournoient quelques vautours....d'après les éleveurs ils te bouffent avant même d'être complètement crevé ! Gaffe Gégé ne pose pas un pied ce serait pour eux un signe d'agonie....sales bêtes !!! Il est grand temps d'arriver, je commence à délirer ! ça y est je franchi le sommet sous le regard du géant et les ovations des copains qui ont eu bien du mérite de patienter sous ce ventilateur géant depuis presqu'une heure pour certains ! 2h18'. Dommage, à avoir voulu faire le malin je ne peux pas comparer, mais je pourrai dire : " cette année-là, le Tourmalet malin m'allait " Grimper ce col c'est pas du bidon, au fait! en parlant de bidon, j'étais tellement rôti que j'ai oublié les miens là-haut, faut être gourde quand même !! (celle-là c'est pour Angel!)

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Tous les verts ont donc franchi le Tourmalet et sont de ce fait, entrés dans la légende et si ce n'est celle du Tour c'est celle de leur tour. Que dis-je! ils ont même réécrit la Légende :

1910 : 1° passage au sommet d'Octave Lapize qui s'écrit : "vous êtes des assassins !"
2014 : 1° passage au sommet d'Hulk qui s'écrit : "Oui, des assassins ! "
1910 : Octave Lapize dans la montée alterne pédalage et marche à pied.
2014 : Dans cette montée Gégé a même dû porter son vélo !
1913 Eugène Christophe descend le col à pied fourche cassée
2014 Même endroit Hulk explose son pneu, appliquant la règle bien connue - qui pneu le plus, pneu le moins -
1913 :Eugène Christophe répare lui-même sa fourche à la forge de Ste Marie de Campan
2014 : dans ce même village Angel et Gégé négocient un pneu d'occasion et c'est dimanche!
2014 Dans le même temps là-haut, Yvon parvient à bricoler un pneu bien mal en point!
1934 René Vietto fait demi-tour dans le Portet d'Aspet pour céder son vélo a Antonin Magne, qui gagnera le Tour
2014 : Angel, pneu sur l'épaule n'hésite pas à entreprendre remonter le Tourmalet pour dépanner son copain ! Malgré cette belle solidarité ni l'un ni l'autre ne parviendra au terme de cette étape à Hautacan où seulement cinq courageux oseront affronter les pentes surchauffées
2010 Au sommet du Tourmalet Andy Schleck distance le leader Alberto Contador
2014 : coup de tonnerre sur le même col : Benoît distance de quelques longueurs l'indétrônable Patron

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Comme vous pouvez le constater les Verts ont réécrit La Légende du Tourmalet ! je vais donc demander au conseil général de Bigorre de virer les lamas et de réintroduire des canards, car depuis que les Espèrois sont passés par là c'est devenu un Col Vert et en plus ils y ont mis ....les cannes !!!

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Que dire de plus sinon que la soirée fut particulièrement animée, et on s'est rendu compte que Hulk n'avait pas laissé toutes ses forces dans les cols environnants....d'autres avaient encore quelques munitions et sont allés se tirer la bourre le lundi matin dans le Soulor.
Tout le monde a été courageux et le groupe dans sa totalité est à féliciter, avec une mention spéciale à Armelle qui est allée chercher des ressource au tréfonds d'elle même pour terminer son ascension, et à Gilbert qui se paie 2 cols hors catégorie en guise de rééducation !

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Publié dans Nos voyages

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P
Que dire de plus,c'est tellement bien raconté que j’entends même ton accent plein de soleil quand je te lis et du haut de mon ile-de-France parfois si froide, ça me réchauffe le cœur. Merci Gégé
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G
Gégé comme........génial !!!<br /> Et dire que pas plus tard que mercredi, il m'avouait ne pas trouver l'inspiration pour son CR, le Gégé !!!<br /> Il a plus d'un tour dans son sac, à commencer par le Tourmalet ! (moi je tourne-dos !!)
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P
Bravo Gégé pour ce splendide compte rendu. Nous savions tous que tu saurais trouver le &quot;pitch&quot; pour raconter une vraie histoire. Gégé est le &quot;story teller&quot; qui crée la légende du club. chapeau
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E
Quel beau récit , gégé......Tu devrais donner des cours ou faire écrivain public... C'est vrai que le Tourmalet on s'en souvient... C'est ce qu'on se disait avec Yvon en tournant nos jambes et nos langues... Nous l'avions grimpé en 1994 , année mémorable pour moi et en 1998 dans l'étape du tour Pau- Loudanvielle....<br /> Il n'empêche , la meilleur façon de le grimper c'est à l'envers : Etlamourt....
P
Il n'y a pas besoin de se faire prier pour lire les saintes écritures de notre Gégé Camillo. Son récit est une véritable bible de l'histoire du Tourmalet. Ses prêches sont divines feraient presque passer Alain Decaux pour un enfant de coeur....
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